Gérard, Mathieu, Joseph, George LEMAN, né en 1851 à Liège, effectue déjà bien avant la Grande Guerre un parcours militaire impressionnant. Après l’Athénée, il suit la formation de l’École Royale Militaire dont il sort premier de sa promotion en 1872 comme Sous-Lieutenant et rejoint le Génie.
Nommé lieutenant, il est appelé à l’École Royale Militaire comme professeur de géologie, de mathématiques et d’architecture. Il en devient le directeur des études, puis finalement son Commandant.
Il fut également responsable de l’éducation militaire du futur roi Albert Ier.
En 1912, il est nommé lieutenant-général et en 1913, membre du Conseil Supérieur de la Défense Nationale.
Finalement, le 31 janvier 1913, il est nommé Commandant de la 3ème division d’Armée et de ce fait responsable de la place forte de Liège.
Informé par le Gouvernement de la situation internationale, il se rend compte que les fortifications réalisées vingt ans plus tôt (1) commencent à accuser des faiblesses certaines.
Prenant le taureau par les cornes (2) , il se lance dans le renforcement des fortifications existantes et utiles. Plus de dix-huit milles ouvriers travaillèrent à cette entreprise.
Ce qui fit dire à un ministre de l’époque que Leman était en porte à faux par rapport à la neutralité de la Belgique.
Leman rétorqua que, s’il y avait la guerre, le Pays le remercierait et que, dans le cas contraire, on pourra toujours lui reprendre ses étoiles
Une fois les améliorations aux fortification terminés, il s’attaqua a renforcer les intervalles entres celles-ci.
Situation des Forts de la Place Forte de Liège
L’histoire lui donna raison.
Constatant que, depuis quelques temps, les Prussiens se renforçaient à nos portes, il ordonne, le 3 août 1914, la destruction de toutes les voies d’accès menant à Liège. Le 4 Août, les troupes allemandes franchissent la frontière. Les premiers contacts avec l’ennemi ont lieu du côté de Thimister (3) puis de Visé.
Le 5 Août
La Deutches Herr avec, à sa tête, le Général Otto von Emmich fait son apparition devant Liège. Dans la nuit du 5 au 6 août, la bataille de Liège commence. L’ennemi lance six brigades à l’assaut des intervalles entre les forts. Cinq sont repoussées après de violents combats. Seule la 14ème brigade du Colonel Lüdendorf réussit à passer tout en se trouvant rapidement dans une situation inconfortable.
A 4 h 30, une compagnie allemande réussit à s’infilter entre nos lignes et pénètre dans la ville pour attaquer le Quartier Général belge. L’attaque est repoussée mais le Général Leman décide alors de transférer ce qui reste de son état-major au Fort de Loncin.
Malheureusement, pendant ce temps, une grande partie des troupes qui défendent les intervalles ne reçoivent plus d’ordres et commencent à battre en retraite. Informé de la situation, le général Leman donne l’ordre à la 3ème Division, ainsi qu’aux renforts qui sont arrivés de rallier l’armée de campagne qui a pris position sur la Gette. Leman et deux de ses officiers restent au fort de Loncin afin de maintenir le contact avec les autres points fortifiés et entretenir le moral des défenseurs.
Les Allemands pataugent, impossible de venir à bout des forts. Il leur faut attendre l’arrivée de l’artillerie lourde dont la Grosse Bertha et des zeppelins pour essayer de conclure.
14 Août 1914
6 h 15: les obus commencent à pleuvoir
17 h 20 un projectile de 420 mm touche le Fort de Loncin, perce le béton et atteint la réserve de munitions. Le fort explose. La plupart de ses défenseurs sont ensevelis. Le Général Leman, pratiquement inconscient est fait prisonnier.
Les Allemands lui permettent cependant d’envoyer une lettre au Roi.
« Sire,
Après d’honorables engagements livrés les 4, 5, 6 août, je jugeai que les forts de Liège ne pouvaient jouer d’autre rôle que celui de forts d’arrêt.
Je maintins néanmoins le gouvernement militaire pour coordonner la défense autant que possible et exercer une influence morale sur la garnison.
Votre Majesté n’ignore pas que j’étais au Fort de Loncin le 6 août à midi.
Vous apprendrez avec chagrin que le fort a sauté hier, à 5 h 20 du matin et que la grande partie de sa garnison a été ensevelie sous ses ruines.
Si je n’ai pas perdu la vie dans cette catastrophe, cela tient à ce que mon escorte m’a retiré de la place forte au moment ou j’étais suffoqué par le gaz qui se dégageait après l’explosion de la poudre. On me porta dans une tranchée ou je tombai. Un capitaine allemand me donna à boire puis je fus fais prisonnier et emmené à Liège.
Pour l’honneur de nos armes, je n’ai pas voulu rendre ni la forteresse, ni les forts. Daignez me pardonner, Sire !
En Allemagne, où je me rends, ma pensée sera, comme elle l’a toujours été, avec la Belgique et le Roi.
J’aurais volontiers donné ma vie pour les servir mieux, mais la mort ne m’a pas été accordée.
Général Leman »
Chose extrêmement rare, le Général Leman, prisonnier, put conserver son épée. On le conduisit d’abord à la forteresse de Magdebourg où on devra alors l’amputer d’un orteil mais la cicatrisation sera lente. Le 7 avril 1915, il sera transféré à Blankenburg-im-Mark. Son état de santé n’est cependant pas brillant.
Fin 1917, le Roi l’autorise à accepter sa libération que les allemands lui propose sans condition.
Le 19 décembre 1917 le général transite par Bâle.
Enfin, il arrive à Paris le 1er février 1918. il y reçoit un accueil triomphal. Il part pour le Havre pour s’y refaire un semblant de santé. En novembre 1918, il rentre à Liège au côté du Roi, qui un an plus tard, lui octroiera le titre de comte.
Le 7 août 1914, le Président de la République française, Raymond Poincaré, sur proposition de son Ministre des Affaires étrangères, Gaston Doumergue, décidait de décerner la Légion d’Honneur à la Ville de Liège en reconnaissance de la résistance héroïque des défenseurs de la Place de Liège et de ses douze forts (Barchon, Boncelles, Chaudfontaine, Embourg, Evegnée, Flémalle, Fléron, Hollogne, Lantin, Liers, Loncin et Pontisse) sous le commandement du Lieutenant-Général Leman.
Le 24 juillet 1919, à Liège, le Président Poincaré et son Gouvernement remettaient en main propre la Croix de la Légion d’Honneur au Bourgmestre de Liège, Gustave Kleyer, devant une foule de plus de 120.000 personnes et en présence du Roi Albert Ier et de la Reine Elisabeth, du Maréchal Foch et du Conseil municipal de Paris au grand complet. Le Général Leman, souffrant, s’excusera de ne pouvoir y assister.
Le Général Leman s’attelle à la rédaction d’un rapport sur sa défense de Liège en 1914, Il vient à peine à terminer ce mémoire qu’il s’éteint, dans sa ville natale le 17 octobre 1920, victime d’une pneumonie.
Le Gouvernement belge décrète l’organisation d’obsèques nationales. Elle auront lieu le 21 octobre. Un hommage lui est rendu au Palais de la Nation à Bruxelles avant son inhumation civile, selon ses désirs, au cimetière d’Ixelles où il repose auprès de ses parents.
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De nombreuses rues ou places du pays, aussi bien en Flandre qu’en Wallonie portent son nom.
Etterbeek : Rue Générale Leman
Liège : Place Général Leman et Rue Générale Leman
Verviers: Place Général Leman
Etterbeek – Mons – Mouscron – Seneffe -Colfontaine : Rue Général Leman
Antwerpen – Berchem – Hasselt – Hoelaart – Leopoldsburg : Generaal Lemanstraat
On trouve aussi le « Mount Leman » et le « Leman Lake » dans les Montagnes Rocheuses aux USA,
1) Henri-Alexis Brialmont, né le 25 mai 1821 à Maagdenberg près de Venlo et mort le 21 juillet 1903 à Saint-Josse-ten-Noode, est un militaire, un architecte et une personnalité politique belge. Il est célèbre pour la conception et la réalisation du fort de Shinkakasa et des places fortifiées d’Anvers, de Liège et de Namur. Lors de l’invasion de l’armée allemande en août 1914, les forts de Liège ne causèrent pas moins de huit jours de retard à l’exécution du plan Schlieffen qui postulait d’obtenir la défaite de la France dans la région de Sedan par une surprise obtenue en traversant la Belgique en trois jours. Il faut y ajouter le rôle de l’armée de campagne qui, combattant dans les intervalles entre les forts, avait ses réserves et où siégeait l’état-major du général Leman. La presse française de l’époque ne s’y trompa pas dans ses éloges.
2) Il est normal pour un Liégeois de « prendre le taureau par les cornes » ( voir ici les explications )
3) Voir l’article concernant le Cavalier FONCK (cliquez ici)
Bibbliographie
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOE, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 58-59
TUCHMAN Barbara W., Août 1914, Paris, Presses de la Cité, 1962, p. 186-187
Le rapport du général Leman sur la défense de Liège en août 1914 (introduction et notes du cdt G. HAUTECLERC) ; Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1960, Commission Royale d’Histoire)
Maurice DES OMBIAUX, Le général Leman, Paris, Bloud & Gay, c. 1916, coll. « Pages actuelles / 1914-1916 » n°79