Le gouvernement a décidé de supprimer la présentation d’une grande partie des collections du musée de l’Armée sans solution de remplacement !

Le vendredi 17 mai 2024, le Conseil des ministres a marqué son accord sur le « masterplan » proposé par l’ASBL HORIZON 50/200 pour la revalorisation et la réorganisation du site du Cinquantenaire pour un budget de 107 millions dont il est explicitement avoué que l’on n’en dispose pas de la totalité ! Mais cela n’empêchera pas de vouloir lancer au plus tôt des concours en vue de la réalisation : on verra après pour le financement !!

Le projet va retirer la jouissance de la Halle Bordiau au Musée de l’Armée pour en faire un espace d’expositions propre au Bicentenaire. Celles-ci seront confiées à coups de millions au secteur privé, à un secteur d’activité bien représenté d’ailleurs au sein du conseil d’administration de l’ASBL HORIZON 50/200. Et cela sous le prétexte fallacieux et bien opportun que le bâtiment serait dans un relatif mauvais état, presque vide et qu’il devrait faire l’objet d’une rénovation en profondeur. Alors qu’en réalité, loin du cliché d’une architecture et d’une muséologie vieillottes, cette partie du Musée est la dernière du Cinquantenaire à avoir été totalement rénovée en 1983. L’exposition permanente qui y est présentée a été inaugurée en 2010 et 2019, elle répond parfaitement aux attentes de la muséologie moderne!

Toute la place est disponible au rez-de-chaussée de la Halle pour y organiser de grandes et belles expositions ! De prestigieuses y ont été déjà organisées : « Lisolo Na Bisu, le soldat congolais », « 1918-2018 Au-delà de la Grande Guerre», « 175 ans de l’ordre de Léopold », etc.…

Il faudrait donc déménager l’exposition consacrée à la montée des totalitarismes 1918- 1939 et à la guerre 1939-1945 des deuxièmes et troisièmes étages de la Halle Bordiau. La mise en œuvre d’un pareil projet fera disparaître les expositions permanentes consacrées entre autres à la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale et à la Shoa. Elle portera atteinte au devoir d’information et de mémoire sur la barbarie de cette époque, alors qu’aujourd’hui des bruits de bottes nous parviennent de plus en plus clairement et que la montée des extrêmes s’intensifie, avec la renaissance des racismes nauséabonds. Faire disparaître la mémoire de ces temps troublés, pendant lesquels des compatriotes ont lutté pour la liberté et ont été exterminés dans des camps au moment où l’on va fêter le bicentenaire de la Belgique est une hérésie, fruit sans doute d’une fameuse ignorance ! Cette exposition comprend aussi des collections uniques au monde : l’apparition des États baltes, de la 1re République d’Ukraine, de la Finlande, de la Tchécoslovaquie et de la Pologne indépendante. Inutile de dire que la disparition deces collections, à 300 mètres des institutions européennes, et en plein contexte de guerre russo-ukrainienne est totalement inopportune ……

Évaporées aussi les vitrines consacrées au Roi Albert Ier et à ses multiples et prestigieuses distinctions honorifiques reçues à l’occasion de la Grande Guerre !! Et une remise « sine die » du projet d’exposition sur l’après-guerre au rez-de-chaussée de la Halle Bordiau qui devait présenter la Guerre de Corée, la guerre froide, la décolonisation, les opérations humanitaires armées, les opérations OTAN et ONU….

Et que d’argent gaspillé. L’installation des collections dans ces salles a coûté pas moins de 7,5 millions d’Euros patiemment récoltés avec l’aide notamment de la loterie nationale. Si les structures de la seconde mezzanine devaient être également détruites, cela se chiffrerait à plus 10 millions supplémentaires. Aucune relocalisation de ces collections n’est prévue, aucun budget octroyé à cet effet.

Une nouvelle réserve est à creuser, soit 14 autres millions prévus, mais est-elle bien destinée à ces collections et sera-t-elle réalisée selon les normes internationales de conservation, et surtout à temps pour un tel déménagement ?

La Halle Bordiau devrait revenir au musée de l’Armée après 2030, mais aucun budget n’est prévu pour la remise en place des collections. Remettre à l’identique en 2031, coûterait bien plus que les 7,5 millions initiaux, un minimum sans doute de 30-35 millions ! Qui peut croire dans le contexte budgétaire des prochaines années qu’un budget pareil sera trouvé ?

Le Musée perdra aussi ses surfaces d’exposition dans les arcades pour y installer une « guinguette » (sic), que va-t-on faire des superbes collections Titeca et de la donation royale du comte de Ribaucourt qui s’y trouvent présentées ?!?!

Le projet est totalement muet sur la destination des 4 massifs de la Halle Bordiau : ceux-ci, outre les bureaux du personnel du musée, contiennent 4 ateliers de restauration et 8 réserves. Où les recaser ? Rien n’est prévu ! Que va-t-il advenir du centre de documentation du musée qui se trouve sous la halle Bordiau….

Enfin, le projet prévoit un axe Schuman-Merode qui devient une esplanade métropolitaine avec un espace souterrain, colonne vertébrale du site. L’espace vers Schuman contient la réserve centrale du Musée, soit environ 2500 m2, dont l’accès se fait par la halle Bordiau. Elle contient du matériel rare et sensible sur le plan de la sécurité (environ 15.000 armes à feu portatives: le domaine est militaire, l’accès réduit à une entrée, sous alarme). La déplacer supposerait la construction d’une nouvelle réserve ayant des caractéristiques identiques. Où est l’argent ?

Un autre bâtiment du site du Cinquantenaire, appartenant à la Régie des Bâtiments est occupé par le musée privé Autoworld. L’aménagement de ce bâtiment pour les expositions du Bicentenaire coûterait nettement moins cher que la solution actuelle impliquant la halle Bordiau! Imaginée dans un premier temps, une solution impliquant l’Autoworld a finalement été abandonnée ! On a donc préféré à la fois démolir les expos publiques du Musée de l’Armée, dépenser de nombreux millions prélevés dans le budget de l’État et prolonger lors du même conseil des ministres le bail de ce musée privé jusqu’en 2041. Bizarre ? Est-ce un hasard ? Un coup d’œil sur la composition de son conseil d’administration vous en apprendra plus !

Quel avenir alors pour le Musée de l’Armée ? Une mort lente, privé sans doute définitivement de son espace de mémoire principal ? Veut-on par cette annonce gommer une partie douloureuse et essentielle de notre histoire ? À qui profite le crime ?

SRAMA-KVVL

Parc du Cinquantenaire, 3       1000 BRUXELLES