Souvent, il nous arrive de découvrir un lieu ou une rue portant un patronyme qui nous est inconnu. Par ces articles qui seront régulièrement publiés, nous voudrions vous faire (re)découvrir certains héros de la Grande Guerre honorés par leurs contemporains. L’ouvrage de référence sur base duquel ses articles seront rédigés est « Pour les Petits d’un Grand Pays » (Ed Desclée 1921)

 Né à Liège le 27 janvier 1849, il est entré dans l’histoire sur le tard, à l’âge où les trois fois vingts passent leur journée, assis sur un banc de village à parler du temps de leur jeunesse .

En 1914, il avait déjà 65 ans lorsque les Allemands ont envahi la Belgique. On ne sait pas par quel mystère, le brave sexagénaire a réussi à se faire engager au 1er Régiment de volontaires.

Autorité militaire et médecin n’ont-ils vu que du feu quant à son âge ou ont-ils été subjuguées par l’ardeur et la robustesse de ce candidat peu ordinaire ? Ou bien alors, c’est son passé militaire qui a joué en sa faveur : pendant la guerre franco-prussienne de 1870, il avait 21 ans et était sous-officier de cavalerie, préposé à la surveillance de la frontière.

Pierre avait deux filles et un fils. Celui-ci, s’étant réfugié aux Pays-Bas, ne pouvait plus participer au conflit. Pierre aurait dit : « Puisque mon fils ne peut pas combattre, il n’est pas dit qu’il n’y aura pas un Merx pour le faire. » Une autre version rapporte que Pierre, veuf depuis quelques années, avait été obligé de vivre chez une de ses filles.  S’engager, c’était l’occasion rêvée pour lui de reprendre un peu d’indépendance !

Parmi les volontaires, il va se faire remarquer non seulement parce qu’il en est le doyen, et de loin, mais surtout par son courage exceptionnel. Une fois sous l’uniforme, son surnom sera vite trouvé : il sera, en fonction de son âge canonique pour un troupier, pour toute la durée de la guerre et pour l’Histoire « Papa Merx ». Les officiers veulent bien entendu, et c’est normal, l’affecter à l’arrière, au ravitaillement. C’est mal connaître l’ami Pierre qui immédiatement rue dans les brancards. Il est vieux, oui, et alors, il porte l’uniforme comme les autres et c’est le service actif qu’il exige, il le dit haut et fort : « Je ne suis pas venu pour conduire matériaux et blessés ; je veux me battre. »

Parce qu’il s’est montré, sans doute, très persuasif, il n’est non seulement pas affecté chez les «planqués» de l’arrière, mais versé dans une unité de première ligne , le 9éme de Ligne, une des plus dangereuses, car il s’agit des « patrouilleurs », ces soldats qui, préfigurant ce que seront plus tard les commandos, s’infiltrent dans les lignes ennemies. 

Le Prince Léopold au 9ème de Ligne

Le 5 mars 1915, à cause de la bravoure dont il a fait preuve, il est fait Chevalier de l’Ordre de Léopold II.

Un de ses camarades raconte ce qui s’est passé et comment Pierre s’est distingué : « En février 1915, la 3e D.A est affectée à la garde du secteur de Dixmude, secteur particulièrement chahuté. Après une nuit d’un bombardement intense et violent, un petit poste s’est trouvé en danger. Les deux sentinelles – les frères Sertin – sont menacées. Le caporal Cousin et Papa Merx volent à leur secours, dispersent une patrouille allemande et les libèrent. Non content de ce fait d’armes, Pierre s’en va seul réoccuper le trou des deux frères. Impossible pour lui de rentrer le lendemain, tellement le bombardement violent fait rage. Ce n’est que deux jours plus tard qu’il pourra, enfin, regagner ses lignes. »

Il combat au côté du jeune Comte de Flandre, Léopold qui deviendra Léopold III de Belgique. Il lui sauve la vie en le précipitant dans un trou d’obus tandis qu’une formidable explosion ravage l’endroit qu’il occupait au précédent instant. Une amitié indéfectible unira les deux hommes.

En 1917 on lui propose un poste à l’arrière et le grade d’adjudant. Pierre refuse : « Tant qu’il y aura un front il y restera ».

En 1918, il signe une renonciation au renvoi dans les foyers pourtant prévue par l’arrêté royal du 18 décembre 1918. Il ne sera ainsi démobilisé que le 30 septembre 1919, il a 70 ans.

En 1920, le prince Léopold lui rend une visite officielle mais il ne manquera jamais par la suite de venir saluer le vieil homme lors de ses déplacements en région liégeoise.

Le Prince Léopold en visite officielle auprès de Papa merx

En 1930, le fait est exceptionnel, de son vivant, il voit une rue de Liège rebaptisée : Rue Sergent Merx. Le roi Albert Ier et la reine Élisabeth vouait une grande amitié au vieux soldat. Le couple le fera mettre à l’honneur à de nombreuses reprises.

En 1937, il n’accepte pas la loi Van Zeeland qui offre l’amnistie aux collaborateurs belges qui s’étaient compromis lors de la Première Guerre mondiale.

Lors d’une commémoration à Liège, il jette ses décorations sur le linceul tricolore recouvrant le monument aux morts.

Il est suivi par une multitude de ses anciens compagnons d’armes.

Les médailles seront fondues et transformées en couronne mortuaire qui sera déposée au pied du rocher fatidique où Albert Ier avait trouvé la mort à Marche-les-Dames, le 17 février 1934.

Papa Merx s’éteint le 7 mars 1938 à Herstal, il est inhumé au cimetière de Robermont. Une foule immense est venue assister aux obsèques ainsi que de nombreux officiels.

Tombe de « Papa Merx » au cimetière de Robermont

Il fut le plus âgé des soldats belges engagé sur le front.

Bibliographie:

Pour les petits d’un grand Pays Edition Desclée ,1921

Union Royale Nationale des Sous-officiers de Réserve de Belgique, Patriot, 2005, p. 20 et sq. [archive] [PDF]

La Libre Belgique, Volontaire de guerre à 65 ans, Lily Portugaels, 12 novembre 2012 [archive]

Alain Leclercq, Les plus grands héros belges de la première guerre, Éditions Jourdan, 2014, 304 p.

Dusart Michel, Sainte-Walburge… De rue en rue [archive], Éditions du CEFAL, Liège, 2008 (ISBN 9782871302728)

« Souvenons-nous » Editeurs Ballez Colmant-Wuillot, Paturages, 1924

Le courrier de l’armée, 1914-1918, p. 425 [archive]